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Là où je suis

Un film écrit par Myriam Magassouba
Fiction
Autofiction
Cinéma des femmes

Réalisation

Myriam Magassouba

Production

Voyous Films

Année

2012

Durant un rude hiver abitibien, une adolescente vit le deuil de sa meilleure amie décédée dans un accident de voiture.

Autour de ce texte

« Là où je suis », c’est de l’autofiction; la mort qui passe à travers le corps. J’ai écrit ce court métrage alors que je traversais le deuil en blanc de ma mère atteinte de la maladie d’Alzheimer. Je me suis replongée dans les émotions du premier deuil que j’ai vécu à l’adolescence. Le personnage principal du film est métissé simplement parce que je le suis aussi.

Mon père, africain, ingénieur minier, a suivi les mines. Je suis née dans le décor de l’Abitibi à une époque où le nombre de Noirs à Rouyn-Noranda se comptait encore sur les doigts (et il vous restait encore des doigts!). Dans les années 80-90, lorsque j’arrivais à la maison avec un 99 % sur un examen, mon père demandait: « il est où le 1 % ? ». J’ai grandi avec la notion de l’importance de réussir non seulement pour moi, mais pour nous. La pression que chacun de nos actes allait faire avancer ou reculer la cause. Nous étions souvent la seule personne noire que notre entourage allait rencontrer et on nous demandait de porter le poids de notre propre acceptation. J’ai parfois essayé de ne pas déranger, de m’effacer, de nommer ma mère pour rassurer.

Ce teint foncé qui ressort de la foule et contraste avec les vastes étendues de neige de l’Abitibi, on le voit dans « Là où je suis ». Le court métrage ne revendique rien, mais je suis convaincue de l’importance de la représentation, de la nécessité de montrer la pluralité de l’expérience noire au cinéma et à la télévision. Oui, il faut des films militants, historiques, éducatifs, mais des fois, je pense que c’est aussi important de simplement nous laisser vivre à l’écran. J’aime l’idée d’un cinéma qui donne la possibilité d’être quelqu’un d’autre, qui déplace temporairement le « je » du spectateur(e). Si j’ai pu m’identifier à tous ces héros blancs, tu peux devenir une petite fille métissée de 14 ans.

En plus d’être scénariste-réalisatrice, je suis monteure. Ces temps-ci, je monte plus que j’écris… Depuis la mort de ma mère, j’ai laissé de côté un scénario de long métrage qui mettait en scène mes parents âgés. Lorsque j’ai rendu hommage à ma mère à ses funérailles, c’est comme si le film s’était fini. Générique qui défile, musique de fin. J’ai perdu le goût d’offrir cette histoire . Et quand je vois les réalisateurs(es) coincé(e)s dans l’entonnoir des institutions, je me questionne sur l’intérêt d’écrire un nouveau projet. Je me demande si j’ai quelque chose à ajouter. Et la seule chose qui pourrait me pousser à me rassoir devant 𝘍𝘪𝘯𝘢𝘭 𝘋𝘳𝘢𝘧𝘵; à arrêter de seulement jongler avec le matériel des autres, c’est l’importante d’inclure une diversité des voix dans le paysage cinématographique québécois. Mon expérience n’est pas celle de tous les Noirs, mais c’est la mienne et elle fait partie d’un tout qui compose le Québec d’aujourd’hui. Je crois en l’importance de raconter nos propres histoires. Et je me rappelle comment, jeune, j’aurais aimé me voir à l’écran. Et surtout, je me souviens de toutes les fois où j’ai grincé des dents en m’apercevant stéréotypée, écrite par quelqu’un qui clairement ne m’avait ni parlé ni écoutée…

Myriam Magassouba – 9 juin 2020